Réal finit ce dénombrement par cette apostrophe : « Ô toi par qui nous avons vaincu l’Europe avec un gouvernement sans gouvernants et des armées sans paye, génie de la liberté, tu veillais encore sur nous ! » Ces fiers champions de la liberté vécurent trop de quelques jours ; ils allèrent achever leurs hymnes à l’indépendance dans les bureaux de la police d’un tyran. Ce temps n’est aujourd’hui qu’un degré rompu sur lequel a passé la Révolution : que d’hommes ont parlé et agi avec énergie, se sont passionnés pour des faits dont on ne s’occupe plus ! Les vivants recueillent le fruit des existences oubliées qui se sont consumées pour eux.
On touchait au renouvellement de la Convention ; les assemblées primaires étaient convoquées : comités, clubs, sections, faisaient un tribouil effroyable.
La Convention, menacée par l’aversion générale, vit qu’il se fallait défendre : à Danican elle opposa Barras, nommé chef de la force armée de Paris et de l’intérieur. Ayant rencontré Bonaparte à Toulon, et remémoré de lui par madame de Beauharnais, Barras fut frappé du secours dont lui pourrait être un pareil homme : il se l’adjoignit pour commandant en second[1]. Le futur directeur, entretenant la Convention des journées de vendémiaire, déclara que c’était aux dispositions savantes et promptes de Bonaparte que l’on devait le salut de l’enceinte, autour de laquelle il
- ↑ Le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795). — Au 13 vendémiaire, Bonaparte est encore général de brigade ; dix jours après, le 24 vendémiaire (16 octobre), il est général de division dans l’arme de l’artillerie ; encore dix jours, et le 4 brumaire (26 octobre) il est général en chef de l’Armée de l’Intérieur, il a vingt-six ans.