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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

l’institut en s’abattant sur les Pyramides, les soldats en ne rencontrant que des fellahs nus, des cahutes de boue desséchée, se trouvèrent en face de la peste, des Bédouins et des mameloucks, le mécompte fut énorme. Mais l’injustice de la souffrance aveugla sur le résultat définitif. Les Français semèrent en Égypte ces germes de civilisation que Méhémet a cultivés : la gloire de Bonaparte s’accrut, un rayon de lumière se glissa dans les ténèbres de l’islamisme, et une brèche fut faite à la barbarie.


Pour prévenir les hostilités des pachas de la Syrie et poursuivre quelques mameloucks, Bonaparte entra le 22 février[1] dans cette partie du monde à laquelle le commandant d’Aboukir l’avait légué. Napoléon trompait ; c’était un de ses rêves de puissance qu’il poursuivait. Plus heureux que Cambyse, il franchit les sables sans rencontrer le vent du midi ; il campe parmi les tombeaux ; il escalade El-Arisch, et triomphe à Gaza[2] : « Nous étions, » écrit-il le 6[3], « aux colonnes placées sur les limites de l’Afrique et de l’Asie ; nous couchâmes le soir en Asie. » Cet homme marchait à la conquête du monde ; c’était un conquérant pour des climats qui n’étaient pas à conquérir.

Jaffa est emporté[4]. Après l’assaut, une partie de la garnison, estimée par Bonaparte à douze cents hommes et portée par d’autres à deux ou trois mille, se

  1. Le 22 février 1799 (4 ventôse an VII).
  2. Le 24 février.
  3. Le 6 ventôse an VII (24 février 1799).
  4. Le 7 mars.