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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

L’Europe blessée voulut mettre un appareil à sa blessure : l’Autriche adhère au traité de Pétersbourg[1] conclu entre la Grande-Bretagne et la Russie. Alexandre et le roi de Prusse ont une entrevue à Potsdam, ce qui fournit à Napoléon un sujet d’ignobles moqueries[2]. La troisième coalition continentale s’ourdit. Ces coalitions renaissaient sans cesse de la défiance et de la terreur ; Napoléon s’éjouissait dans les tempêtes : il profite de celle-ci.

Du rivage de Boulogne où il décrétait une colonne

  1. Aux termes du traité de Saint-Pétersbourg, entre la Grande-Bretagne et la Russie, signé le 11 avril 1805, les deux puissances contractantes s’engageaient à aider dans la mesure de leurs forces à la formation d’une grande ligue européenne, destinée à assurer l’évacuation du Hanovre et du nord de l’Allemagne, l’indépendance effective de la Hollande et de la Suisse, le rétablissement du roi de Sardaigne en Italie, la consolidation du royaume de Naples, enfin la complète évacuation de l’Italie, y comprise l’île d’Elbe. — L’Autriche accéda, le 9 août 1805, au traité de Saint-Pétersbourg. — Dans toutes les éditions des Mémoires, on a imprimé par erreur, au lieu de traité de Pétersbourg, traité de Presbourg.
  2. Une entrevue eut lieu à Potsdam, entre l’empereur Alexandre et le roi Frédéric-Guillaume III, le 1er  octobre 1805. Les deux souverains se promirent, sur le tombeau de Frédéric II, d’unir leurs efforts pour réprimer l’ambition de Napoléon. — Les « moqueries » auxquelles Chateaubriand fait ici allusion se trouvent dans le 17e bulletin de la Grande-Armée (campagne de Prusse), daté par Napoléon de Potsdam, 25 octobre 1806 : « Le résultat du célèbre serment fait sur le tombeau du grand Frédéric a été la bataille d’Austerlitz… On fit quarante-huit heures après sur ce sujet une gravure qu’on trouve dans toutes les boutiques et qui excite le rire même des paysans. On y voit le bel empereur de Russie, près de lui la reine, et, de l’autre côté le roi qui lève la main sur le tombeau du grand Frédéric. La reine elle-même, drapée d’un schall, à peu près comme les gravures de Londres représentent lady Hamilton, appuie la main sur son cœur et a l’air de regarder l’empereur de Russie. »