Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
196
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

et menaçait Albion avec des chaloupes, il s’élance. Une armée organisée par Davout se transporte comme un nuage à la rive du Rhin. Le 1er  octobre 1805, l’empereur harangue ses cent soixante mille soldats : la rapidité de son mouvement déconcerte l’Autriche. Combat du Lech, combat de Werthingen, combat de Guntzbourg. Le 17 octobre, Napoléon paraît devant Ulm ; il fait à Mack le commandement : Armes bas ! Mack obéit avec ses trente mille hommes. Munich se rend ; l’Inn est passé, Salzbourg pris, la Traun franchie. Le 13 novembre, Napoléon pénètre dans une de ces capitales qu’il visitera tour à tour : Il traverse Vienne ; enchaîné à ses propres triomphes, il est emmené à leur suite jusqu’au centre de la Moravie à la rencontre des Russes. À gauche, la Bohème s’insurge ; à droite les Hongrois se lèvent ; l’archiduc Charles accourt d’Italie. La Prusse, entrée clandestinement dans la coalition et ne s’étant pas encore déclarée, envoie le ministre Haugwitz porteur d’un ultimatum.

Arrive le deux décembre 1805, la journée d’Austerlitz. Les alliés attendaient un troisième corps russe qui n’était plus qu’à huit marches de distance. Kutuzof soutenait qu’on devait éviter de risquer une bataille ; Napoléon par ses manœuvres force les Russes d’accepter le combat : ils sont défaits. En moins de deux mois les Français, partis de la mer du Nord, ont, par delà la capitale de l’Autriche, écrasé les légions de Catherine. Le ministre de Prusse vient féliciter Napoléon à son quartier général : « Voilà, lui dit le vainqueur, un compliment dont la fortune a changé l’adresse. »

François II se présente à son tour au bivouac du soldat heureux : « Je vous reçois, lui dit Napoléon,