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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/22

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

cicerone à Paris est allé mourir à Nantes. Ainsi a disparu un des premiers personnages de ces Mémoires. J’espère qu’étendu sur une couche d’asphodèle, il parle encore de mes vers à madame de Chastenay, si cette ombre agréable est descendue aux champs Élysées.


Au printemps de 1809 parurent les Martyrs[1]. Le travail était de conscience : j’avais consulté des critiques de goût et de savoir, MM. de Fontanes, Bertin, Boissonade[2], Malte-Brun[3], et je m’étais soumis à leurs raisons. Cent et cent fois j’avais fait, défait et refait la même page. De tous mes écrits, c’est celui où la langue est la plus correcte.

Je ne m’étais pas trompé sur le plan : aujourd’hui que mes idées sont devenues vulgaires, personne ne nie que les combats de deux religions, l’une finissant, l’autre commençant, n’offrent aux Muses un des sujets les plus riches, les plus féconds et les plus dramatiques. Je croyais donc pouvoir un peu nourrir des es-

  1. « À la fin de l’été de 1808, M. de Chateaubriand ayant achevé ses Martyrs, voulut, pour en surveiller l’impression, passer l’hiver à Paris ; nous louâmes un appartement rue Saint-Honoré, au coin de la rue Saint-Florentin. » Souvenirs de Mme de Chateaubriand. — Les Martyrs parurent au mois de mars 1809.
  2. Jean-François Boissonade (1774-1857). Attaché au Journal des Débats depuis 1802, il y donna régulièrement jusqu’en 1813 des articles bibliographiques qui ont été recueillis par M. Colincamp, sous le titre de : Critique littéraire sous le premier Empire (1863, 2 vol. in-8o).
  3. Malte-Conrad Brun, dit Malte-Brun, né à Thisted (Jutland) le 12 août 1775, mort à Paris le 14 décembre 1826. Il écrivait, comme Boissonade, dans le Journal des Débats.