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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/252

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

étonnement, il tomba au milieu d’une illumination solitaire ; un lampion avait été attaché à chaque arbre. Le long de la mer, la Corniche était pareillement illuminée ; les vaisseaux aperçurent de loin ces phares que le respect, l’attendrissement et la piété allumaient pour le naufrage d’un moine captif. Napoléon revint-il ainsi de Moscou ? Était-ce du bulletin de ses bienfaits et des bénédictions des peuples qu’il était précédé ?

Durant ce long voyage la bataille de Wagram avait été gagnée[1], le mariage de Napoléon avec Marie-Louise arrêté. Treize des cardinaux mandés à Paris furent exilés[2], et la consulte romaine formée par la France avait de nouveau prononcé la réunion du saint-siège à l’empire[3].

Le pape, détenu à Savone, fatigué et assiégé par les créatures de Napoléon, émit un bref dont le cardinal Roverella fut le principal auteur, et qui permettait

  1. 6 juillet 1809.
  2. Ils avaient refusé d’assister au mariage de Napoléon et de Marie-Louise. Après avoir juré de maintenir dans leur intégrité les droits du Saint-Siège, et les voyant lésés par l’annulation du mariage de l’Empereur, ils ne s’étaient pas cru permis de légitimer par leur présence une seconde union. Napoléon les exila, confisqua leurs biens, saisit leurs revenus, supprima leurs traitements, et leur interdit de porter les marques de la dignité cardinalice. Au lieu de la soutane, du chapeau, de la barrette et des bas rouges, ils durent porter des vêtements noirs. De là l’appellation que les contemporains leur donnèrent et qui devait rester pour eux un titre d’honneur : les Cardinaux noirs. Voici leurs noms : Consalvi, di Pietro, Mattei, Litta, Pignatelli, Scotti, della Somaglia, Brancadoro, Saluzzo, Galeffi, Ruffo-Scilla, Oppizoni et Gabrielli.
  3. Le Sénatus-consulte organique du 17 février 1810 sanctionna le décret du 17 mai 1809, qui avait ordonné la réunion à l’Empire français de Rome et des États du pape.