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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

gnon[1]. Français du Nord, les Polonais, braves et légers comme nous, parlaient notre langue ; ils nous aimaient comme des frères ; ils se faisaient tuer pour nous avec une fidélité où respirait leur aversion de la Russie. La France les avait jadis perdus ; il lui appartenait de leur rendre la vie : ne devait-on rien à ce peuple sauveur de la chrétienté ? Je l’ai dit à Alexandre à Vérone : « Si Votre Majesté ne rétablit pas la Po-

    dont il fit si bien la conquête qu’il devint bientôt évêque de Poitiers, archevêque de Malines, premier aumônier de l’Empereur, « l’aumônier du dieu Mars », comme il s’appelait lui-même. En 1812, quand la guerre de Russie fut décidée, Napoléon l’envoya comme ambassadeur dans le grand-duché de Varsovie. En 1814, il prit une part très active au rétablissement du gouvernement royal et fut un moment chancelier de la Légion d’honneur. Sous la seconde Restauration, il se jeta dans l’opposition et composa force brochures, dont l’une même lui valut d’être traduit en cour d’assises. Après la révolution de juillet, l’abbé de Pradt revint à ses premières opinions royalistes, et il s’occupait à réunir les matériaux d’une histoire de la Restauration, lorsqu’il succomba à une attaque d’apoplexie. Sainte-Beuve, qui pourtant ne l’aime guère, a dit de lui : « L’abbé de Pradt était actif, délié, infiniment spirituel en conversation ; et, la plume à la main, un écrivain plein de verve et pittoresque ». Son Histoire de l’ambassade dans le grand duché de Varsovie en 1812 est un pamphlet, mais qui renferme des parties dont l’histoire devra faire son profit.

  1. Louis-Pierre-Édouard, baron Bignon (1771-1841). Il remplaça l’abbé de Pradt à Varsovie. Sous la Restauration, il fut, à la Chambre des députés, de 1817 à 1830, un des chefs de l’opposition libérale. Après 1830, il fut un instant ministre des Affaires étrangères, puis ministre de l’Instruction publique. Une Ordonnance royale du 3 octobre 1837 l’appela à la Chambre des pairs. Il a publié une Histoire de France depuis le dix-huit brumaire jusqu’à la paix de Tilsitt (1829 1830, 6 vol. in-8o) et une Histoire de France sous Napoléon, depuis la paix de Tilsitt jusqu’en 1812 (1838, 4 vol. in-8o). Ces deux ouvrages furent composés en exécution du testament de Napoléon, qui portait : « Je lègue au baron Bignon 100 000 francs ; je l’engage à écrire l’histoire de la diplomatie française de 1792 à 1815. »