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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Bonaparte, se trompant ou voulant tromper les autres, écrit le 18 d’octobre au duc de Bassano une lettre que rapporte M. Fain : « Vers les premières semaines de novembre, mandait-il, j’aurai ramené mes troupes dans le carré qui est entre Smolensk, Mohilow, Minsk et Witepsk. Je me décide à ce mouvement, parce que Moscou n’est plus une position militaire ; j’en vais chercher une autre plus favorable au début de la campagne prochaine. Les opérations auront alors à se diriger sur Pétersbourg et sur Kiew. » Pitoyable forfanterie, s’il ne s’agissait que du secours passager d’un mensonge ; mais dans Bonaparte une idée de conquête, malgré l’évidence contraire de la raison, pouvait toujours être une idée de bonne foi.

On marchait sur Malojaroslawetz : par l’embarras des bagages et des voitures mal attelées de l’artillerie, le troisième jour de marche on n’était encore qu’à dix lieues de Moscou. On avait l’intention de devancer Kutuzof ; l’avant-garde du prince Eugène le prévint en effet à Fominskoï. Il restait encore cent mille hommes d’infanterie au début de la retraite. La cavalerie était presque nulle, à l’exception de trois mille cinq cents chevaux de la garde. Nos troupes, ayant atteint la nouvelle route de Kalouga le 21, entrèrent le 22 à Borowsk, et le 23 la division Delzons occupa Malojaroslawetz. Napoléon était dans la joie ; il se croyait échappé.

Le 23 octobre, à une heure et demie du matin, la

    gination. Toutefois, au bout de ses relations fantasmagoriques, restait cette vérité, à savoir que Napoléon, par une raison ou par une autre, était le maître du monde. (Paris, note de 1814.) Ch.