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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

le général Grouchy, et sous les ordres du roi de Naples, ne perdait pas de vue l’empereur dans tous ses mouvements. La santé de Sa Majesté n’a jamais été meilleure. »

Quel résumé de tant de victoires ! Bonaparte avait dit aux Directeurs : « Qu’avez-vous fait de cent mille Français, tous mes compagnons de gloire ? Ils sont morts ! » La France pouvait dire à Bonaparte : « Qu’avez-vous fait dans une seule course des cinq cent mille soldats du Niémen, tous mes enfants ou mes alliés ? Ils sont morts ! »

Après la perte de ces cent mille soldats républicains regrettés de Napoléon, du moins la patrie fut sauvée : les derniers résultats de la campagne de Russie ont amené l’invasion de la France et la perte de tout ce que notre gloire et nos sacrifices avaient accumulé depuis vingt ans.

Bonaparte a sans cesse été gardé par un bataillon sacré qui ne le perdit pas de vue dans tous ses mouvements ; dédommagement des trois cent mille existences immolées : mais pourquoi la nature ne les avait-elle pas trempées assez fortement ? Elles auraient conservé leurs manières ordinaires. Cette vile chair à canon méritait-elle que ses mouvements eussent été aussi précieusement surveillés que ceux de Sa Majesté ?

Le bulletin conclut, comme plusieurs autres, par ces mots : « La santé de Sa Majesté n’a jamais été meilleure. »

Familles, séchez vos larmes : Napoléon se porte bien.

À la suite de ce rapport, on lisait cette remarque officielle dans les journaux : « C’est une pièce historique du premier rang : Xénophon et César ont