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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/379

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

qui s’y assied. La France a plus besoin de moi que je n’ai besoin d’elle. Je suis un de ces hommes qu’on tue, mais qu’on ne déshonore pas. Dans trois mois nous aurons la paix, ou l’ennemi sera chassé de notre territoire, ou je serai mort. »

C’était dans le sang que Bonaparte était accoutumé à laver le linge des Français. Dans trois mois on n’eut point la paix, l’ennemi ne fut point chassé de notre territoire, Bonaparte ne perdit point la vie : la mort n’était point son fait. Accablée de tant de malheurs et de l’ingrate obstination du maître qu’elle s’était donné, la France se voyait envahie avec l’inerte stupeur qui naît du désespoir.

Un décret impérial avait mobilisé cent vingt-un bataillons de gardes nationales[1] ; un autre décret avait formé un conseil de régence présidé par Cambacérès et composé de ministres, à la tête duquel était placée l’impératrice. Joseph, monarque en disponibilité, revenu d’Espagne avec ses pillages, est déclaré commandant général de Paris. Le 25 janvier 1814, Bonaparte quitte son palais pour l’armée, et va jeter une éclatante flamme en s’éteignant.


La surveille, le pape avait été rendu à l’indépendance ; la main qui allait à son tour porter des chaînes fut contrainte de briser les fers qu’elle avait donnés : la Providence avait changé les fortunes, et le vent qui soufflait au visage de Napoléon poussait les alliés à Paris.

Pie VII, averti de sa délivrance[2], se hâta de faire

  1. Décret du 6 janvier 1814.
  2. Chateaubriand a été ici induit en erreur par le Manuscrit