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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Pignatelli, qui commandait les troupes sur le Quirinal lorsque Radet emporta d’assaut le jardin des Olives de Pie VII, conduisait à présent la marche des palmes. En même temps que Pignatelli changeait de rôle, de nobles parjures, à Paris, reprenaient derrière le fauteuil de Louis XVIII leurs fonctions de grands domestiques : la prospérité nous est transmise avec ses esclaves, comme autrefois une terre seigneuriale était vendue avec ses serfs.


Au second livre de ces Mémoires, on lit (je revenais alors de mon premier exil de Dieppe) : « On m’a permis de revenir à ma vallée. La terre tremble sous les pas du soldat étranger : j’écris, comme les derniers Romains, au bruit de l’invasion des Barbares. Le jour je trace des pages aussi agitées que les événements de ce jour ; la nuit, tandis que le roulement du canon lointain expire dans mes bois solitaires, je retourne au silence des années qui dorment dans la tombe et à la paix de mes plus jeunes souvenirs. »

Ces pages agitées que je traçais le jour étaient des notes relatives aux événements du moment, lesquelles, réunies, devinrent ma brochure : De Bonaparte et des Bourbons. J’avais une si haute idée du génie de Napoléon et de la vaillance de nos soldats, qu’une invasion de l’étranger, heureuse jusque dans ses derniers résultats, ne me pouvait tomber dans la tête : mais je pensais que cette invasion, en faisant sentir à la France le danger où l’ambition de Napoléon l’avait réduite, amènerait un mouvement intérieur, et que l’affranchissement des Français s’opérerait de