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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

déchaussées qu’elles étaient, ne purent être arrachées, comme les dents d’un lion, que par les efforts du bras de l’Europe. Le nom de Napoléon était encore si formidable que les armées ennemies ne passèrent le Rhin qu’avec terreur ; elles regardaient sans cesse derrière elles pour bien s’assurer que la retraite leur serait possible ; maîtresses de Paris, elles tremblaient encore. Alexandre jetant les yeux sur la Russie, en entrant en France, félicitait les personnes qui pouvaient s’en aller, et il écrivait à sa mère ses anxiétés et ses regrets.

Napoléon bat les Russes à Saint-Dizier, les Prussiens et les Russes à Brienne, comme pour honorer les champs dans lesquels il avait été élevé[1]. Il culbute l’armée de Silésie à Montmirail, à Champaubert, et une partie de la grande armée à Montereau[2]. Il fait tête partout ; va et revient sur ses pas ; repousse les colonnes dont il est entouré. Les alliés proposent un armistice ; Bonaparte déchire les préliminaires de la paix offerte et s’écrie : « Je suis plus près de Vienne que l’empereur d’Autriche de Paris ! »

La Russie, l’Autriche, la Prusse et l’Angleterre, pour se réconforter mutuellement, conclurent à Chaumont un nouveau traité d’alliance[3] ; mais au fond,

  1. Reprise de Saint-Dizier par Napoléon en personne, le 27 janvier. Combat victorieux de Brienne, le 29.
  2. Victoire de Champaubert, le 10 février ; victoire de Montmirail, le 11 ; victoire de Montereau, le 18.
  3. Par le traité de Chaumont, conclu, le 1er  mars 1814, entre l’Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie, les quatre puissances s’engageaient, dans le cas où la France n’accepterait pas les conditions de la paix proposée par les Alliés, le 17 février, à poursuivre la guerre avec vigueur et à employer tous leurs moyens, dans un parfait concert, afin de procurer une paix gé-