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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

dévouée, que nous retrouverons à Gand, tenait fidèle compagnie à madame de Chateaubriand. Madame la duchesse de Duras était aussi à Paris, et j’allais voir souvent madame la marquise de Montcalm, sœur du duc de Richelieu[1].

Je continuais d’être persuadé, malgré l’approche des champs de bataille, que les alliés n’entreraient pas à Paris et qu’une insurrection nationale mettrait fin à nos craintes. L’obsession de cette idée m’empêchait de sentir aussi vivement que je l’aurais fait la présence des armées étrangères : mais je ne me pouvais empêcher de réfléchir aux calamités que nous avions fait éprouver à l’Europe, en voyant l’Europe nous les rapporter.

Je ne cessais de m’occuper de ma brochure ; je la préparais comme un remède lorsque le moment de l’anarchie viendrait à éclater. Ce n’est pas ainsi que nous écrivons aujourd’hui, bien à l’aise, n’ayant à redouter que la guerre des feuilletons : la nuit je m’enfermais à clef ; je mettais mes paperasses sous mon oreiller, deux pistolets chargés sur ma table : je couchais entre ces deux muses. Mon texte était double ; je l’avais composé sous la forme de brochure, qu’il a gardée, et en façon de discours, différent à quelques égards de la brochure ; je supposais qu’à la levée de la France, on se pourrait assembler à l’Hôtel de Ville, et je m’étais préparé sur deux thèmes.

  1. La marquise de Montcalm était la demi-sœur du duc de Richelieu. Leur père, le duc de Fronsac, s’était marié deux fois : d’abord, avec Mlle  d’Hautefort, dont il eut un fils, le futur ministre de la Restauration ; puis avec Mlle  de Gallifet, qui lui donna deux filles, Armande et Simplicie, plus tard marquises de Montcalm et de Jumilhac.