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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Un charge à grand bruit les voitures du prince ; il se met en route en plein midi, le 30 mars : arrivé à la barrière d’Enfer, on le renvoie inexorablement chez lui, malgré ses protestations[1]. Dans le cas d’un retour miraculeux, les preuves étaient là, attestant que l’ancien ministre avait voulu rejoindre Marie-Louise et que la force armée lui avait refusé le passage.


Cependant, à la présence des alliés, le comte Alexandre de Laborde et M. Tourton, officiers supérieurs de la garde nationale, avaient été envoyés auprès du généralissime prince de Schwarzenberg, lequel avait été l’un des généraux de Bonaparte pendant la campagne de Russie. La proclamation du généralissime fut connue à Paris dans la soirée du 30 mars. Elle disait : « Depuis vingt ans l’Europe est inondée de sang et de larmes : les tentatives pour mettre un terme à tant de malheurs ont été inutiles, parce qu’il existe, dans le principe même du gouvernement qui vous opprime, un obstacle insurmontable à la paix. Parisiens, vous connaissez la situation de votre patrie : la conservation et la tranquillité de votre ville seront l’objet des soins des alliés. C’est dans ces sentiments que l’Europe, en armes devant vos murs, s’adresse à vous. »

Quelle magnifique confession de la grandeur de la France : L’Europe, en armes devant vos murs, s’adresse à vous !

Nous qui n’avions rien respecté, nous étions respectés de ceux dont nous avions ravagé les villes et qui, à leur tour, étaient devenus les plus forts. Nous

  1. Voir Henry Houssaye, 1814, p 549.