Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/425

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
413
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Alexandre était descendu chez M. de Talleyrand[1]. Je n’assistai point aux conciliabules : on les peut lire dans les récits de l’abbé de Pradt[2] et des divers tripotiers qui maniaient dans leurs sales et petites mains le sort d’un des plus grands hommes de l’histoire et la destinée du monde. Je comptais pour rien dans la politique en dehors des masses ; il n’y avait pas d’intrigant subalterne qui n’eût aux antichambres beaucoup plus de droit et de faveur que moi : homme futur de la Restauration possible, j’attendais sous les fenêtres, dans la rue.

Par les machinations de l’hôtel de la rue Saint-Florentin, le Sénat conservateur nomma un gouvernement provisoire composé du général Beurnonville[3], du sénateur Jaucourt[4], du duc de Dal-

  1. M. de Talleyrand habitait l’hôtel qui fait le coin de la place de la Concorde et de la rue Saint-Florentin. Après la mort du prince de Talleyrand, il fut occupé par la princesse de Liéven. Il est aujourd’hui la propriété de M. Alphonse de Rothschild.
  2. Récit historique sur la restauration de la royauté en France le 31 mars 1814, par M. de Pradt, 1815.
  3. Pierre-Riel, marquis de Beurnonville (1752-1821). Ministre de la guerre (4 février — 11 mars 1793) ; général en chef de l’armée de Sambre-et-Meuse, puis de l’armée du Nord ; ambassadeur à Berlin, puis à Madrid, sous le Consulat ; sénateur le 1er  février 1805 ; comte de l’Empire le 23 mai 1808. — Louis XVIII le nomma ministre d’État, pair de France le 4 juin 1814, maréchal de France le 3 juillet 1816. En 1817, il le créa marquis et, en 1820, lui donna le cordon bleu à l’occasion de la naissance du duc de Bordeaux.
  4. Arnail-François, marquis de Jaucourt (1757-1852). Il était sénateur depuis le 31 octobre 1803. Napoléon l’avait fait comte le 26 avril 1808. Nommé, le 13 mai 1814, par Louis XVIII, ministre d’État et pair de France, il fut chargé, le 4 juin, de l’intérim des Affaires étrangères, tandis que Talleyrand représentait la France au Congrès de Vienne. Pendant les Cent-Jours, il fut de ceux que Napoléon mit hors la loi. Il suivit le roi à