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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

la commission nommée pour l’entendre[1] : il fut repoussé par cette commission, à l’exception de deux ou trois membres. Il fallait voir la terreur des fiers républicains qui m’écoutaient et que l’indépendance de mes opinions épouvantait ; ils frémissaient d’indignation et de frayeur au seul mot de liberté. M. Daru porta à Saint-Cloud le discours. Bonaparte déclara que s’il eût été prononcé, il aurait fait fermer les portes de l’Institut et m’aurait jeté dans un cul de basse-fosse pour le reste de ma vie.

Je reçus ce billet de M. Daru :

Saint-Cloud, 28 avril 1811.

« J’ai l’honneur de prévenir monsieur de Chateaubriand que lorsqu’il aura le temps ou l’occasion de venir à Saint-Cloud, je pourrai lui rendre le discours qu’il a bien voulu me confier. Je saisis cette occasion pour lui renouveler l’assurance de la haute considération avec laquelle j’ai l’honneur de le saluer.

« Daru. »

J’allai à Saint-Cloud. M. Daru me rendit le manuscrit, çà et là raturé, marqué ab irato de parenthèses et de traces au crayon par Bonaparte : l’ongle du lion était enfoncé partout, et j’avais une espèce de plaisir d’irritation à croire le sentir dans mon flanc. M. Daru ne me cacha point la colère de Napoléon[2] ; mais il me

  1. Elle était composé de MM. François de Neufchâteau, Regnaud de Saint-Jean d’Angély, Lacretelle aîné. Laujon, Legouvé.
  2. Voir l’Appendice no IV : le Discours à l’Académie.