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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

despotisme, nous apportant la liberté légale, avait de quoi satisfaire les hommes de conscience. Néanmoins, les royalistes qui en recueillaient tant d’avantages, qui, sortant ou de leur village, ou de leur foyer chétif, ou des places obscures dont ils avaient vécu sous l’Empire, étaient appelés à une haute et publique existence, ne reçurent le bienfait qu’en grommelant : les libéraux, qui s’étaient arrangés à cœur joie de la tyrannie de Bonaparte, trouvèrent la charte un véritable code d’esclaves. Nous sommes revenus au temps de Babel ; mais on ne travaille plus à un monument commun de confusion : chacun bâtit sa tour à sa propre hauteur, selon sa force et sa taille. Du reste, si la charte parut défectueuse, c’est que la révolution

    tout ce qui a été fait depuis la rentrée des Bourbons est illégitime. Il décrète, le 13 mars, à Lyon, que « toutes les promotions faites dans la Légion d’honneur par tout autre grand-maître que lui, et tous brevets signés par d’autres personnes que le comte Lacépède, grand chancelier inamovible de la Légion d’honneur, étaient nuls et non avenus ». Il ne consent à donner un acte constitutionnel qu’autant qu’il sera une simple addition aux constitutions impériales. « Napoléon, dit M. Duvergier de Hauranne (Histoire du gouvernement parlementaire, t. II, p. 501), n’admettait pas qu’un autre eût été le souverain légitime de la France, et il prétendait avoir régné pendant ses onze mois de séjour à l’île d’Elbe. » C’est ce que reconnaît également le secrétaire de son cabinet et son confident pendant la tragédie des Cent-Jours, M. Fleury de Chaboulon, qui dit, au tome II de ses Mémoires, page 45 : « Napoléon fut encore déterminé (à l’Acte additionnel) par une autre considération : il regardait les Constitutions de l’Empire comme les titres de propriété de sa couronne, et il aurait craint, en les annulant, d’opérer une espèce de novation, qui lui aurait donné l’air de recommencer un nouveau règne. Car Napoléon, après avoir voué au ridicule les prétentions du « roi d’Hartwell », était enclin lui-même à se persuader que son règne n’avait point été interrompu par son séjour à l’île d’Elbe. »