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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

matins qui se consolent eux-mêmes, je touchais à ces heures du soir qui ont besoin d’être consolées.


Le 30 décembre de l’année 1814, les Chambres législatives furent ajournées au 1er mai 1815, comme si on les eût convoquées pour l’assemblée du champ de mai de Bonaparte. Le 18 janvier furent exhumés les restes de Marie-Antoinette et de Louis XVI. J’assistai à cette exhumation dans le cimetière[1] où Fontaine et Percier ont élevé depuis, à la pieuse voix de madame la Dauphine et à l’imitation d’une église sépulcrale de Rimini, le monument peut-être le plus remarquable de Paris. Ce cloître formé d’un enchaînement de tombeaux, saisit l’imagination et la remplit de tristesse. Dans le livre IV de ces Mémoires, j’ai parlé des exhumations de 1815[2] : au milieu des ossements, je reconnus la tête de la reine par le sourire que cette tête m’avait adressé à Versailles.

Le 21 janvier on posa la première pierre des bases de la statue qui devait être élevée sur la place Louis XV, et qui ne l’a jamais été. J’écrivis la pompe funèbre du 21 janvier ; je disais : « Ces religieux qui vinrent avec l’oriflamme au-devant de la châsse de Saint-Louis, ne recevront point le descendant du saint roi. Dans ces demeures souterraines où dormaient ces rois et ces princes anéantis, Louis XVI se trouvera seul !… Comment tant de morts se sont-ils levés ? Pourquoi Saint-Denis est-il désert ? Demandons plutôt pourquoi son toit est rétabli, pourquoi son autel est de-

  1. L’ancien cimetière de la Madeleine, rue d’Anjou-Saint-Honoré, no 48.
  2. Voir tome I, page 205.