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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/517

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

naudes[1] le sous-diacre. M. de Talleyrand, se souvenant de cette admirable profanation, disait au baron Louis : « L’abbé, tu étais bien beau en diacre au Champ de Mars ! » Nous avons supporté cette honte derrière la grande tyrannie de Bonaparte : devions-nous la supporter plus tard ?

Le roi très chrétien s’était mis à l’abri de tout reproche de cagoterie : il possédait dans son conseil un évêque marié, M. de Talleyrand ; un prêtre concubinaire, M. Louis ; un abbé peu pratiquant, M. de Montesquiou.

Ce dernier, homme ardent comme un poitrinaire, d’une certaine facilité de parole, avait l’esprit étroit et dénigrant, le cœur haineux, le caractère aigre. Un jour que j’avais péroré au Luxembourg pour la liberté de la presse, le descendant de Clovis passant devant

  1. On a imprimé à tort, dans toutes les éditions des Mémoires, l’abbé d’Ernaud. Le sous-diacre de Talleyrand à la fameuse messe du 14 juillet 1790 était l’abbé Desrenaudes. — Martial Borye Desrenaudes était, à l’époque de la Révolution, grand vicaire de l’évêque d’Autun. Très instruit, doué d’un véritable talent d’écrivain, il fut pour Talleyrand un auxiliaire précieux. Au moment où la Constituante allait se séparer, l’évêque d’Autun soumit à ses collègues un rapport et presque un livre sur un vaste plan d’instruction publique, ayant à sa base l’école communale, et à son sommet l’Institut. La lecture, qui remplit deux séances (10 et 11 septembre 1791), fut entendue jusqu’au bout avec la plus grande faveur. Marie-Joseph Chénier n’a pas craint d’appeler cet ouvrage « un monument de gloire littéraire où tous les charmes du style embellissent les idées philosophiques ». Talleyrand, pour la rédaction de ce célèbre rapport, avait eu recours à la plume de Desrenaudes. Le sous-diacre de la messe de la Fédération cessa en 1792 d’exercer les fonctions ecclésiastiques, devint, après le 18 brumaire, membre du Tribunat, puis conseiller de l’Université et censeur impérial. Il continua d’être censeur sous la Restauration et mourut en 1825.