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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

du congrès allèrent dîner et marquèrent avec le sceptre de saint Louis, comme avec un fétu, le feuillet où ils en étaient restés dans leurs protocoles.

Sur les obstacles que rencontra le czar, M. de Talleyrand fit volte-face : prévoyant que le coup retentirait, il rendit compte à Louis XVIII (dans une dépêche que j’ai vue et qui portait le no 25 ou 27) de l’étrange séance du congrès[1] : il se croyait obligé d’informer Sa Majesté d’une démarche aussi exorbitante, parce que cette nouvelle, disait-il, ne tarderait pas de parvenir aux oreilles du roi : singulière naïveté pour M. le prince de Talleyrand.

Il avait été question d’une déclaration de l’Alliance, afin de bien avertir le monde qu’on n’en voulait qu’à Napoléon ; qu’on ne prétendait imposer à la France ni une forme obligée de gouvernement, ni un souverain qui ne fût pas de son choix. Cette dernière partie de la déclaration fut supprimée, mais elle fut positivement annoncée dans le journal officiel de Francfort. L’Angleterre, dans ses négociations avec les cabinets, se sert toujours de ce langage libéral, qui n’est qu’une précaution contre la tribune parlementaire.

On voit qu’à la seconde restauration, pas plus qu’à la première, les alliés ne se souciaient point du rétablissement de la légitimité : l’événement seul a tout fait. Qu’importait à des souverains dont la vue était si courte que la mère des monarchies de l’Europe fût

  1. On prétend qu’en 1830, M. de Talleyrand a fait enlever des Archives particulières de la Couronne sa correspondance avec Louis XVIII, de même qu’il avait fait enlever dans les Archives de l’Empire tout ce qu’il avait écrit, lui, M. de Talleyrand, relativement à la mort du duc d’Enghien et aux affaires d’Espagne (Paris, note de 1840). — Ch.