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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/574

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ville lui procura l’argent nécessaire pour le dégager. Quant à Mme de Duras, elle travaillait à constituer une société de dix actionnaires qui paieraient les dettes et rendraient ainsi à l’auteur d’Atala la liberté d’esprit nécessaire pour composer de nouvelles œuvres. L’emprunt qu’il allait ainsi contracter serait gagé sur son travail. Les premiers souscripteurs furent, avec la duchesse de Duras, Adrien de Montmorency et son aimable femme que Chateaubriand, dans sa correspondance, appelle familièrement l’Adrienne. Ses deux neveux, Louis et Christian de Chateaubriand, offrirent de leur côté, de prendre deux actions[1].

Tandis que sa vaillante amie, sa sœur dévouée poursuit la conclusion de cet emprunt, il lui écrit : « J’attends une offre sérieuse d’un pays étranger, et j’espère trouver une autre patrie moins ingrate et plus généreuse. »

Le 29 juin 1812, il écrit à Mme de Duras qu’il est allé à Chartres chercher un nouvel actionnaire, et il ajoute : « Si je puis parvenir à garder mon champ et mes livres, je serai la plus heureuse personne de la terre. Je vais entreprendre quelque long ouvrage[2] qui puisse m’occuper plusieurs années. Rien ne fait mieux sentir le charme de la solitude et ne calme mieux la tête et le cœur que le travail. Cet été, j’irai peut-être voir mes amis, je dis peut-être, car je suis si pauvre que je ne sais si j’aurai les moyens de me déplacer… »

Le chiffre de ses dettes s’élevait à une quarantaine de mille francs. Mme de Duras courut au plus pressé et put lui prêter quelques milliers de francs pour éteindre des dettes criardes. Elles n’avaient donc pas été payées par le gouvernement, malgré le dire de ce bon M. Ferrand, dont la caution ici, décidément, n’est pas bourgeoise.

À force de démarches, Mme de Duras parvint à réunir le nombre d’actionnaires désiré. Le pauvre grand homme

  1. A. Bardoux, la Duchesse de Duras, p. 124.
  2. Les Études Historiques, dont il commençait dès lors à s’occuper.