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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

en partie dans le carton du cardinal Fesch : les recherches sont peu curieuses, le style est commun, l’épisode de Vanina est reproduit sans effet. Le mot de Sampietro aux grands seigneurs de la cour de Henri II après l’assassinat de Vanina vaut tout le récit de Napoléon : « Qu’importent au roi de France les démêlés de Sampietro et de sa femme ! »

Bonaparte n’avait pas au début de sa vie le moindre pressentiment de son avenir ; ce n’était qu’à l’échelon atteint qu’il prenait l’idée de s’élever plus haut : mais s’il n’aspirait pas à monter, il ne voulait pas descendre ; on ne pouvait arracher son pied de l’endroit où il l’avait une fois posé. Trois cahiers de manuscrits (carton Fesch) sont consacrés à des recherches sur la Sorbonne et les libertés gallicanes ; il y a des correspondances avec Paoli, Saliceti, et surtout avec le P. Dupuy, minime, sous-principal à l’école de Brienne, homme de bon sens et de religion qui donnait des conseils à son jeune élève et qui appelle Napoléon son cher ami.

À ces ingrates études Bonaparte mêlait des pages d’imagination ; il parle des femmes ; il écrit le Masque prophète, le Roman corse, une nouvelle anglaise, le Comte d’Essex ; il a des dialogues sur l’amour qu’il traite avec mépris, et pourtant il adresse en brouillon une lettre de passion à une inconnue aimée ; il fait peu de cas de la gloire, et ne met au premier rang que l’amour de la patrie, et cette patrie était la Corse.

Tout le monde a pu voir à Genève une demande parvenue à un libraire : le romanesque lieutenant s’enquérait de Mémoires de madame de Warens. Napoléon était poète aussi, comme le furent César et Fré-