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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Si l’on recherchait l’histoire de la transformation des bords illustrés par des tombeaux, des berceaux, des palais, quelle variété de choses et de destinées ne verrait-on pas, puisque de si étranges métamorphoses s’opèrent jusque dans les habitations obscures auxquelles sont attachées nos chétives vies ! Dans quelle hutte naquit Clovis ? Dans quel chariot Attila reçut-il le jour ? Quel torrent couvre la sépulture d’Alaric ? Quel chacal occupe la place du cercueil en or ou en cristal d’Alexandre ? Combien de fois ces poussières ont-elles changé de place ? Et tous ces mausolées de l’Égypte et des Indes, à qui appartiennent-ils ? Dieu seul connaît la cause de ces mutations liées à des mystères de l’avenir : il est pour les hommes des vérités cachées dans la profondeur du temps ; elles ne se manifestent qu’à l’aide des siècles, comme il y a des étoiles si éloignées de la terre que leur lumière n’est pas encore parvenue jusqu’à nous.


Mais tandis que j’écrivais ceci le temps a marché ; il a produit un événement qui aurait de la grandeur, si les événements ne tombaient aujourd’hui dans la boue. On a redemandé à Londres la dépouille de Bonaparte ; la demande a été accueillie : qu’importent à l’Angleterre de vieux ossements ? Elle nous fera tant que nous voudrons de ces sortes de présents. Les dépouilles de Napoléon nous sont revenues au moment de notre humiliation ; elles auraient pu subir le droit de visite ; mais l’étranger s’est montré facile : il a donné un laissez-passer aux cendres,

La translation des restes de Napoléon est une faute contre la renommée. Une sépulture à Paris ne vaudra