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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

France, il changea la majorité dans les Chambres ; à l’étranger, il transforma l’esprit des cabinets.

Ainsi les royalistes me durent l’avantage de sortir du néant dans lequel ils étaient tombés auprès des peuples et des rois. Je mis la plume à la main aux plus grandes familles de France. J’affublai en journalistes les Montmorency et les Lévis ; je convoquai l’arrière-ban ; je fis marcher la féodalité au secours de la liberté de la presse. J’avais réuni les hommes les plus éclatants du parti royaliste, MM. de Villèle, de Corbière, de Vitrolles[1], de Castelbajac[2], etc. Je

  1. Eugène-François-Auguste d’Armand, baron de Vitrolles (1774-1854). Il s’enrôla à 17 ans dans l’armée des princes, fut rayé de la liste des émigrés sous le Consulat, et fut nommé sous l’Empire maire de Vitrolles, conseiller général des Hautes-Alpes et inspecteur des bergeries impériales. Napoléon le créa baron le 15 juin 1812. Lié avec le duc de Dalberg et avec Talleyrand, il s’associa aux vues de ce dernier en 1814, se rendit auprès des alliés et plaida avec autant de chaleur que d’habileté la cause des Bourbons. Pendant les Cent-Jours, il essaya de soulever le Midi, fut arrêté et enfermé à Vincennes, puis à l’Abbaye. Membre de la Chambre de 1815, il siégea parmi les ultras, et, après l’ordonnance du 5 septembre 1816, devint l’un des agents les plus actifs de la politique personnelle de Monsieur. Charles X le nomma ministre plénipotentiaire à Florence (décembre 1827) et pair de France (janvier 1828). La chute de la branche aînée le rendit à la vie privée. Compromis un instant dans la tentative de la duchesse de Berry en Vendée (1832), il fut arrêté lors du pillage de l’archevêché, et relâché presque aussitôt. Ses Mémoires, publiés en 1885, sont du plus vif intérêt.
  2. Marie-Barthélémy, vicomte de Castelbajac (1776-1868). Il émigra en 1790 et servit dans l’armée de Condé. Rentré en France avec les Bourbons, il fut élu par le collège de département du Gers à la Chambre de 1815, où il se signala par l’exaltation de son royalisme. De 1819 à 1827, il fut député de la Haute-Garonne. L’ordonnance du 5 novembre 1827 le nomma pair de France, nomination qui ne fut pas ratifiée par le gouvernement de Juillet. À partir de 1830, M. de Castelbajac se retira complètement de la vie politique.