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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

après qu’avant leurs énormités ? Est-ce parce qu’ils s’étaient souillés de tous les vices qu’ils étaient devenus capables de toutes les vertus ? On n’abdique pas le crime aussi facilement qu’une couronne ; le front que ceignit l’affreux bandeau en conserve des marques ineffaçables.

L’idée de faire descendre un ambitieux de génie du rang d’empereur à la condition de généralissime ou de président de la République était une chimère : le bonnet rouge, dont on chargeait la tête de ses bustes pendant les Cent-Jours, n’aurait annoncé à Bonaparte que la reprise du diadème, s’il était donné à ces athlètes qui parcourent le monde de fournir deux fois la même carrière.

Toutefois, des libéraux de choix se promettaient la victoire : des hommes fourvoyés, comme Benjamin Constant, des niais, comme M. Simonde-Sismondi[1], parlaient de placer le prince de Canino[2] au ministère de l’intérieur, le lieutenant général comte Carnot au ministère de la guerre, le comte Merlin[3] à celui de la

  1. Jean-Charles-Léonard Simonde de Sismondi, né à Genève le 9 mai 1773, mort dans la même ville le 25 juin 1842. Ses principaux ouvrages sont : l’Histoire des républiques italiennes, seize volumes in-8o (1807-1818), et l’Histoire des Français, vingt-neuf volumes in-8o (1821-1842). C’est en 1813 qu’il vint pour la première fois à Paris. Pendant les Cent-Jours, il donna au Moniteur une série d’articles en faveur de l’Acte additionnel, et les réunit en un volume sous le titre d’Examen de la Constitution française. Ils attirèrent l’attention de l’Empereur, qui manda Sismondi et s’entretint longuement avec lui.
  2. Lucien Bonaparte.
  3. Philippe-Antoine, comte Merlin, dit Merlin de Douai (1754-1838), député à la Constituante, à la Convention, au Conseil des Anciens, et à la Chambre des représentants en 1815 ; ministre de la Justice en 1795, puis ministre de la police géné-