deux Chambres ? Montreront-elles une obéissance passive ? Quels seront les rapports de ces Chambres avec l’assemblée projetée du Champ de Mai, laquelle n’a plus de véritable but, puisque l’Acte additionnel est mis à exécution avant que les suffrages eussent été comptés ? Cette assemblée, composée de trente mille électeurs, ne se croira-t-elle pas la représentation nationale ?
Ce Champ de Mai, si pompeusement annoncé et célébré le 1er juin[1], se résout en un simple défilé de troupes et une distribution de drapeaux devant un autel méprisé. Napoléon, entouré de ses frères, des dignitaires de l’État, des maréchaux, des corps civils et judiciaires, proclame la souveraineté du peuple à laquelle il ne croyait pas[2]. Les citoyens s’étaient imaginé qu’ils fabriqueraient eux-mêmes une constitution dans ce jour solennel, les paisibles bourgeois s’attendaient qu’on y déclarerait l’abdication de Napoléon en
- ↑ Aux termes du décret du 22 avril, la cérémonie du Champ de Mai avait été fixée au 26 mai, mais il fallut la remettre au 1er juin, des retards s’étant produits dans l’envoi des registres électoraux et les délégués tardant à arriver.
- ↑ La fête fut magnifique, mais ce fut une fête de théâtre. On avait dressé à la hâte, au Champ de Mars, une estrade, un trône, un autel. Les acteurs ne manquaient pas, et le plus grand de tous était là, revêtu d’un costume, qui était aussi un costume de théâtre : une tunique et un manteau nacarat, des culottes de satin blanc, des souliers à bouffettes, une toque de velours noir orné de plumes blanches. Ses frères étaient entièrement vêtus de velours blanc, avec petits manteaux à l’espagnole, brodés d’abeilles d’or, et toque tailladée. Ses hérauts d’armes, ses chambellans, ses pages, étaient habillés comme des personnages d’opéra-comique. Ce Champ de Mai qui, dans la pensée de Napoléon, devait évoquer les souvenirs de Charlemagne, réveillait dans l’esprit des spectateurs les souvenirs de Jean de Paris, le héros d’un opéra de Boiëldieu alors très en vogue.