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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

pant le roi compatriote de Montaigne, « que pour deux choses que j’ai laissées à Paris : la messe et ma femme. »

De Senlis nous nous rendîmes au berceau de Philippe-Auguste, autrement Gonesse[1]. En approchant du village, nous aperçûmes deux personnes qui s’avançaient vers nous : c’était le maréchal Macdonald et mon fidèle ami Hyde de Neuville. Ils arrêtèrent notre voiture et nous demandèrent où était M. de Talleyrand ; ils ne firent aucune difficulté de m’apprendre qu’ils le cherchaient afin d’informer le roi que Sa Majesté ne devait pas songer à franchir la barrière avant d’avoir pris Fouché pour ministre[2]. L’inquiétude me gagna, car, malgré la manière dont Louis XVIII s’était prononcé à Roye, je n’étais pas très rassuré. Je questionnai le maréchal : « Quoi ! monsieur le maréchal, lui dis-je, est-il certain que nous ne pouvons rentrer qu’à des conditions si dures ? — Ma foi, monsieur le vicomte, me répondit le maréchal, je n’en suis pas bien convaincu. »

Le roi s’arrêta deux heures à Gonesse. Je laissai

  1. Gonesse, à 15 kilomètres N.E. de Paris. Philippe-Auguste y est né en 1165.
  2. Les Mémoires du baron Hyde de Neuville sont ici de tous points d’accord avec ceux de Chateaubriand. Au tome II. p. 115, M. Hyde de Neuville s’exprime ainsi : « Nous partîmes, le maréchal Macdonald et moi pour nous rendre à Gonesse. Macdonald insista pour que nous vissions le prince de Talleyrand avant de nous présenter chez le roi… Ce ne fut pas M. de Talleyrand, mais M. de Chateaubriand que nous rencontrâmes le premier, ainsi qu’il le raconte dans les Mémoires d’Outre-tombe. Par respect pour le maréchal, je le laissai rendre compte du motif de notre voyage. Il assura que les choses étaient arrivées au point que la rentrée du roi à Paris était forcément liée à la nécessité de prendre Fouché pour ministre… »