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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de mon goût est celle qui a lieu aujourd’hui : je dîne chez Guérin avec tous les artistes, et nous allons arrêter votre monument pour le Poussin. Un jeune élève plein de talent, M. Desprez[1], fera le bas-relief pris d’un tableau du grand peintre et M. Lemoine fera le buste. Il ne faut ici que des mains françaises.

« Pour compléter mon histoire de Rome, madame de Castries est arrivée. C’est encore une de ces petites filles que j’ai fait sauter sur mes genoux comme Césarine (madame de Barante)[2]. Cette pauvre femme est bien changée ; ses yeux se sont remplis de larmes quand je lui ai rappelé son enfance à Lormois. Il me semble que l’enchantement n’est plus chez la voyageuse. Quel isolement ! et pour qui ? Voyez-vous, ce qu’il y a de mieux, c’est d’aller vous retrouver le plus tôt possible. Si mon Moïse[3] descend bien de la montagne, je lui emprunterai un de ses rayons, pour reparaître à vos yeux tout brillant et tout rajeuni.

  1. Louis Desprez, statuaire. Il avait obtenu en 1826 le grand prix de Rome. Son premier envoi, le Faune au chevreau, avait fait sensation parmi les artistes. Une de ses meilleures œuvres est précisément le bas-relief qu’il composa pour le tombeau du Poussin, les Bergers d’Arcadie.
  2. Césarine de Houdetot, mariée à M. Prosper de Barante, l’historien des Ducs de Bourgogne. Elle était fille du général César-Ange de Houdetot et petite-fille de Mme  de Houdetot, la célèbre amie de J.-J. Rousseau.
  3. La tragédie de Moïse, depuis longtemps composée et pour laquelle Chateaubriand avait une particulière prédilection. Il espérait à ce moment pouvoir la faire jouer, et dans la plupart de ses lettres à Madame Récamier, il l’entretient des démarches à faire auprès du baron Taylor, commissaire royal de la Comédie-Française.