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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

soulager au moyen de la sonde. On croit que Sa Sainteté a été blessée dans l’opération. Quoi qu’il en soit, après quatre jours de souffrances, Léon XII a expiré ce matin à neuf heures comme j’arrivais au Vatican, où un agent de l’ambassade avait passé la nuit. La lettre partie par mon premier courrier vous informe, monsieur le comte, de mes inutiles efforts pour obtenir le permis des chevaux de poste avant la mort du pape.

« Hier je me rendis chez le cardinal secrétaire d’État, encore très souffrant d’un violent accès de goutte ; j’eus avec lui un assez long entretien sur les suites du malheur dont nous étions menacés. Je déplorai la perte d’un prince dont les sentiments modérés et la connaissance des affaires de l’Europe étaient si utiles au repos de la chrétienté. « C’est, me répondit le secrétaire d’État, non-seulement un grand malheur pour la France, mais un plus grand malheur pour l’État romain que vous ne l’imaginez. Le mécontentement et la misère sont grands dans nos provinces, et, pour peu que les cardinaux croient devoir suivre un autre système que celui de Léon XII, ils verront comment ils s’en tireront. Quant à moi, mes fonctions cessent avec la vie du pape, et je n’aurai rien à me reprocher. »

« Ce matin j’ai revu le cardinal Bernetti qui, en effet, a cessé ses fonctions de secrétaire d’État : il m’a tenu le langage de la veille. Je lui ai demandé à le rencontrer avant qu’il s’enfermât dans le conclave. Nous sommes convenus que nous parlerions du choix d’un souverain pontife qui pourrait être le continuateur du système de modération de Léon XII.