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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Vous avez lu mon second discours[1]. Remerciez M. Kératry qui[2] a parlé si obligeamment du premier ; j’espère qu’il sera encore plus content de l’autre. Nous tâcherons tous les deux de rendre la liberté chrétienne, et nous y parviendrons. Que dites-vous de la réponse que le cardinal Castiglioni m’a faite ? Suis-je assez loué en plein conclave ? Vous n’auriez pas mieux dit dans vos jours de gâterie. »

« 24 mars 1829.

« Si j’en croyais les bruits de Rome, nous aurions un pape demain ; mais je suis dans un moment de découragement, et je ne veux pas croire à un tel bonheur. Vous comprenez bien que ce bonheur n’est pas le bonheur politique, la joie d’un triomphe, mais le bonheur d’être libre et de vous retrouver. Quand je vous parle tant de conclave, je suis comme les gens qui ont une idée fixe et qui croient

  1. Ce second discours fut prononcé par Chateaubriand en plein conclave. On en trouvera le texte à l’Appendice no II : le Conclave de 1829.
  2. Auguste-Hilarion, comte de Kératry (1769-1859). Député du Finistère, rédacteur du Courrier français, il avait, à la tribune et dans la Presse, vivement combattu M. de Villèle, ce qui l’avait rapproché de Chateaubriand. Député de 1818 à 1824, puis de 1827 à 1837, M. de Kératry fut nommé pair de France le 3 octobre 1837. Élu en 1849 à la Législative, et appelé, comme doyen d’âge, à présider la première séance, il profita de cette circonstance pour laisser éclater son hostilité contre les institutions républicaines. Il vota constamment avec la droite monarchique et rentra dans la vie privée au 2 décembre 1851. Ce vieux parlementaire avait publié de nombreux écrits de philosophie spiritualiste et religieuse, et plusieurs romans, dont l’un au moins, le Dernier des Beaumanoir (1824), avait eu un assez vif succès.