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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Je ne vous parle pas de moi ; ma position est pénible, mais claire. Je ne trahirai pas plus le roi que la charte, pas plus le pouvoir légitime que la liberté. Je n’ai donc rien à dire et à faire ; attendre et pleurer sur mon pays. Dieu sait maintenant ce qui va arriver dans les provinces ; on parle déjà de l’insurrection de Rouen. D’un autre côté, la congrégation armera les chouans et la Vendée. À quoi tiennent les empires ! Une ordonnance et six ministres sans génie ou sans vertu suffisent pour faire du pays le plus tranquille et le plus florissant le pays le plus troublé et le plus malheureux. »

« Midi.

« Le feu recommence. Il paraît qu’on attaque le Louvre, où les troupes du roi se sont retranchées. Le faubourg que j’habite commence à s’insurger. On parle d’un gouvernement provisoire dont les chefs seraient le général Gérard, le duc de Choiseul et M. de La Fayette.

« Il est probable que cette lettre ne partira pas, Paris étant déclaré en état de siège. C’est le maréchal Marmont qui commande pour le roi. On le dit tué, mais je ne le crois pas. Tâchez de ne pas trop vous inquiéter. Dieu vous protège ! Nous nous retrouverons ! »

« Vendredi.

« Cette lettre était écrite d’hier ; elle n’a pu partir. Tout est fini : la victoire populaire est complète ; le roi cède sur tous les points ; mais j’ai peur qu’on aille maintenant bien au delà des concessions de la couronne. J’ai écrit ce matin à Sa Majesté. Au sur-