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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ce détachement évitait de tirer, lorsqu’un coup parti de l’Hôtel Royal, rue des Pyramides, décida la question : il se trouva qu’un M. Folks, habitant de cet hôtel, s’était armé de son fusil de chasse, et avait fait feu sur la garde à travers sa fenêtre. Les soldats répondirent par une décharge sur la maison, et M. Folks tomba mort avec ses deux domestiques. Ainsi ces Anglais, qui vivent à l’abri dans leur île, vont porter les révolutions chez les autres ; vous les trouvez mêlés dans les quatre parties du monde à des querelles qui ne les regardent pas : pour vendre une pièce de calicot, peu leur importe de plonger une nation dans toutes les calamités. Quel droit ce M. Folks avait-il de tirer sur des soldats français ? Était-ce la constitution de la Grande-Bretagne que Charles X avait violée ? Si quelque chose pouvait flétrir les combats de juillet, ce serait d’avoir été engagés par la balle d’un Anglais[1].

Ces premiers combats, qui dans la journée du 27 n’avaient guère commencé que vers les cinq heures du soir, cessèrent avec le jour. Les armuriers cédèrent leurs armes à la foule, les réverbères furent brisés ou

  1. Alfred Nettement (Histoire de la Restauration, t. VIII, p. 608) raconte cet incident d’une façon un peu différente : « Il était alors six heures du soir. La garde royale vint apporter un secours nécessaire à la gendarmerie et à la ligne, dont les efforts demeuraient impuissants. Des coups de feu répondirent à la grêle de pierres qui tombaient sur la troupe ; ils étaient tirés par un détachement du 5e régiment de ligne qui entrait dans la rue Saint-Honoré par la rue de Rivoli. Cette décharge coûta la vie à un jeune étudiant anglais nommé Folks, qui était allé se réfugier à l’Hôtel Royal, situé à l’angle de la rue des Pyramides. Il avait eu l’imprudence de se mettre à la fenêtre pour suivre les progrès du mouvement insurrectionnel : une des premières balles l’atteignit. »