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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ligne, par son espèce de neutralité d’abord, et ensuite par sa défection, acheva le mal que des dispositions belles en théorie, mais peu exécutables en pratique, avaient commencé. Le 50e de ligne était arrivé pendant le combat à l’Hôtel de Ville ; harassé de fatigue, on se hâta de le retirer dans l’enceinte de l’hôtel, et il prêta à des camarades épuisés ses entières et inutiles cartouches.

Le bataillon suisse resté au marché des Innocents fut dégagé par un autre bataillon suisse : ils vinrent l’un et l’autre aboutir au quai de l’École, et stationnèrent dans le Louvre,

Au reste, les barricades sont des retranchements qui appartiennent au génie parisien : on les retrouve dans tous nos troubles, depuis Charles V jusqu’à nos jours.

« Le peuple voyant ces forces disposées par les rues, dit L’Estoile, commença à s’esmouvoir, et se firent les barricades en la manière que tous sçavent : plusieurs Suisses furent tués, qui furent enterrés en une fosse faicte au parvis de Notre-Dame ; le duc de Guyse passant par les rues, c’estoit à qui crieroit le plus haut : Vive Guyse ! et lui, baissant son grand chapeau, leur dict : Mes amis, c’est assez ; messieurs, c’est trop ; criez vive le roi ! »

Pourquoi nos dernières barricades, dont le résultat a été puissant, gagnent-elles si peu à être racontées, tandis que les barricades de 1588, qui ne produisirent presque rien, sont si intéressantes à lire ? Cela tient à la différence des siècles et des personnages : le xvie siècle menait tout devant lui ; le xixe a laissé tout derrière : M. de Puyravault n’est pas encore le Balafré.