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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

surmonté d’un pont étroit, me rappelait un ouvrage de Rome auquel les ducs lombards de Spoleto avaient mis la main : les Américains n’en sont pas encore à ces monuments qui viennent après la liberté. J’ai monté la Somma à pied, près des bœufs de Clitumne qui traînaient madame l’ambassadrice à son triomphe. Une jeune chevrière maigre, légère et gentille comme sa bique, me suivait, avec son petit frère, dans ces opulentes campagnes, en me demandant la carità : je la lui ai faite en mémoire de madame de Beaumont dont ces lieux ne se souviennent plus.

Alas ! regardless of their doom,
The little victims play !
No sense have they of ills to come,
Nor care beyond to-day.

« Hélas ! sans souci de leur destinée, folâtrent les petites victimes ! Elles n’ont ni prévision des maux à venir, ni soin d’outre-journée[1]. »

« J’ai retrouvé Terni et ses cascades. Une campagne plantée d’oliviers m’a conduit à Narni ; puis, en passant par Otricoli, nous sommes venus nous arrêter à la triste Civita Castellana. Je voudrais bien aller à Santa-Maria di Falleri pour voir une ville qui n’a plus que la peau, son enceinte : à l’intérieur elle était vide : misère humaine à Dieu ramène. Laissons passer mes grandeurs et je reviendrai chercher la ville des Falisques. Du tombeau de Néron, je vais montrer bientôt à ma

  1. Ce sont des vers du poète Gray, dans son Ode, sur une vue lointaine du collège d’Eton.