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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

femme la croix de Saint-Pierre qui domine la ville des Césars. »

Vous venez de parcourir mon journal de route, vous allez lire mes lettres à madame Récamier, entremêlées, comme je l’ai annoncé, de pages historiques.

Parallèlement vous trouverez mes dépêches. Ici paraîtront distinctement les deux hommes qui existent en moi.

À MADAME RÉCAMIER.
« Rome, ce 11 octobre 1828.

« J’ai traversé cette belle contrée, remplie de votre souvenir ; il me consolait, sans pourtant m’ôter la tristesse de tous les autres souvenirs que je rencontrais à chaque pas. J’ai revu cette mer Adriatique que j’avais traversée il y a plus de vingt ans, dans quelle disposition d’âme ! À Terni, je m’étais arrêté avec une pauvre expirante. Enfin, je suis entré dans Rome. Ses monuments, après ceux d’Athènes, comme je le craignais, m’ont paru moins parfaits. Ma mémoire des lieux, étonnante et cruelle à la fois, ne m’avait pas laissé oublier une seule pierre…

« Je n’ai vu personne encore, excepté le secrétaire d’État, le cardinal Bernetti. Pour avoir à qui parler, je suis allé chercher Guérin[1], hier au coucher du

  1. Pierre Guérin (1774-1833). Élève de Regnault, il obtint au début de sa carrière, en 1797, un des trois grands prix que pour cette fois, par extraordinaire et attendu la force du con-