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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

conque ne trouve pas dans l’origine du fait commençant la gravité du fait accompli, est un détracteur.

Lorsqu’une colombe descendait pour apporter à Clovis l’huile sainte, lorsque les rois chevelus étaient élevés sur un bouclier, lorsque saint Louis tremblait, par sa vertu prématurée, en prononçant à son sacre le serment de n’employer son autorité que pour la gloire de Dieu et le bien de son peuple, lorsque Henri IV, après son entrée à Paris, alla se prosterner à Notre-Dame, que l’on vit ou que l’on crut voir, à sa droite, un bel enfant qui le défendait et que l’on prit pour son ange gardien, je conçois que le diadème était sacré ; l’oriflamme reposait dans les tabernacles du ciel. Mais depuis que, sur une place publique, un souverain, les cheveux coupés, les mains liées derrière le dos, a abaissé sa tête sous le glaive au son du tambour ; depuis qu’un autre souverain, environné de la plèbe, est allé mendier des votes pour son élection, au bruit du même tambour, sur une autre place publique, qui conserve la moindre illusion sur la couronne ? Qui croit que cette royauté meurtrie et souillée puisse encore imposer au monde ? Quel homme, sentant un peu son cœur battre, voudrait avaler le pouvoir dans ce calice de honte et de dégoût que Philippe a vidé d’un seul trait sans vomir ? La monarchie européenne aurait pu continuer sa vie, si l’on eût conservé en France la monarchie mère, fille d’un saint et d’un grand homme ; mais on en a dispersé les semences : rien n’en renaîtra.

Vous venez de voir la royauté de la Grève s’avancer poudreuse et haletante sous le drapeau tricolore, au