Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
353
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

échangea quelques coups de fusil. Le capitaine qui commandait à l’avant-garde du pont de Sèvres passa à l’ennemi ; il mena une pièce de canon et une partie de ses soldats aux bandes réunies sur la route du Point du Jour. Alors les Parisiens et la garde convinrent qu’aucune hostilité n’aurait lieu jusqu’à ce que l’évacuation de Saint-Cloud et de Sèvres fût effectuée. Le mouvement rétrograde commença ; les Suisses furent enveloppés par les habitants de Sèvres, jetèrent bas leurs armes, bien que dégagés presque aussitôt par les lanciers, dont le lieutenant-colonel fut blessé. Les troupes traversèrent Versailles, où la garde nationale faisait le service depuis la veille avec les grenadiers de La Rochejaquelein, l’une sous la cocarde tricolore, les autres avec la cocarde blanche. Madame la Dauphine arriva de Vichy et rejoignit la famille royale à Trianon, jadis séjour préféré de Marie-Antoinette. À Trianon, M. de Polignac se sépara de son maître.

On a dit que madame la Dauphine était opposée aux ordonnances : le seul moyen de bien juger les choses, c’est de les considérer dans leur essence ; le plébéien sera toujours d’avis de la liberté, le prince inclinera toujours au pouvoir. Il ne leur en faut faire ni un crime ni un mérite ; c’est leur nature. Madame la Dauphine aurait peut-être désiré que les ordonnances eussent paru dans un moment plus opportun, alors que de meilleures précautions eussent été prises pour en garantir le succès ; mais au fond elles lui plaisaient et lui devaient plaire. Madame la duchesse de Berry en était ravie. Ces deux princesses crurent que la royauté, hors de page, était enfin affranchie des en-