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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Secondement, dans une monarchie, les légations étrangères ne sont point accréditées auprès du gouvernement ; elles le sont auprès du monarque. Le strict devoir de ces légations était donc de se réunir à Charles X et de le suivre tant qu’il serait sur le sol français.

N’est-il pas singulier que le seul ambassadeur à qui cette idée soit venue ait été le représentant de Bernadotte, d’un roi qui n’appartenait pas aux vieilles familles de souverains ? M. de Lœvenhielm allait entraîner le baron de Werther[1] dans son opinion, quand M. Pozzo di Borgo s’opposa à une démarche qu’imposaient les lettres de créance et que commandait l’honneur.

Si le corps diplomatique se fût rendu à Saint-Cloud, la position de Charles X changeait : les partisans de la légitimité eussent acquis dans la Chambre élective une force qui leur manqua tout d’abord ; la crainte d’une guerre possible eût alarmé la classe industrielle ; l’idée de conserver la paix en gardant Henri V eût entraîné dans le parti de l’enfant royal une masse considérable de populations.

M. Pozzo di Borgo s’abstint pour ne pas compromettre ses fonds à la Bourse ou chez des banquiers, et surtout pour ne pas exposer sa place. Il a joué au cinq pour cent sur le cadavre de la légitimité capétienne, cadavre qui communiquera la mort aux autres

  1. Ministre plénipotentiaire de Prusse à Paris, de 1824 à 1837. — Son fils, le baron Charles de Werther, fut appelé, au mois d’octobre 1869, à remplacer à Paris le comte de Goltz, avec le double titre d’ambassadeur de la Prusse et de la Confédération de l’Allemagne du Nord ; il garda ce poste jusqu’à la rupture des relations diplomatiques au mois de juillet 1870.