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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Chateaubriand : prendre le duc de Bordeaux serait certainement ce qu’il y aurait de mieux à faire. Je crains seulement que les événements ne soient plus forts que nous. — Plus forts que nous, monseigneur ? N’êtes-vous pas investi de tous les pouvoirs ? Allons rejoindre Henri V ; appelez auprès de vous, hors de Paris, les Chambres et l’armée. Sur le seul bruit de votre départ, toute cette effervescence tombera, et l’on cherchera un abri sous votre pouvoir éclairé et protecteur. »

Pendant que je parlais, j’observais Philippe. Mon conseil le mettait mal à l’aise ; je lus sur son front le désir d’être roi. « Monsieur de Chateaubriand, me dit-il sans me regarder, la chose est plus difficile que vous ne le pensez ; cela ne va pas comme cela. Vous ne savez pas dans quel péril nous sommes. Une bande furieuse peut se porter contre les Chambres aux derniers excès, et nous n’avons rien pour nous défendre. »

Cette phrase échappée à M. le duc d’Orléans me fit plaisir parce qu’elle me fournissait une réplique péremptoire. « Je conçois cet embarras, monseigneur ; mais il y a un moyen sûr de l’écarter. Si vous ne croyez pas pouvoir rejoindre Henri V, comme je le proposais tout à l’heure, vous pouvez prendre une autre route. La session va s’ouvrir : quelle que soit la première proposition qui sera faite par les députés, déclarez que la Chambre actuelle n’a pas les pouvoirs nécessaires (ce qui est la vérité pure) pour disposer de la forme du gouvernement ; dites qu’il faut que la France soit consultée, et qu’une nouvelle assemblée soit élue avec des pouvoirs ad hoc