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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

je n’ai pas cette conviction. Si j’avais le droit de disposer d’une couronne, je la mettrais volontiers aux pieds de M. le duc d’Orléans. Mais je ne vois de vacant qu’un tombeau à Saint-Denis, et non un trône.

« Quelles que soient les destinées qui attendent M. le lieutenant général du royaume, je ne serai jamais son ennemi, s’il fait le bonheur de ma patrie. Je ne demande à conserver que la liberté de ma conscience et le droit d’aller mourir partout où je trouverai indépendance et repos.

« Je vote contre le projet de déclaration[1]. »

J’avais été assez calme en commençant ce discours ; mais peu à peu l’émotion me gagna ; quand j’arrivai à ce passage : Inutile Cassandre, j’ai assez fatigué le trône et la patrie de mes avertissements dédaignés, ma voix s’embarrassa, et je fus obligé de porter mon mouchoir à mes yeux pour supprimer des pleurs de tendresse et d’amertume. L’indignation me rendit la parole dans le paragraphe qui suit : Pieux libellistes, le renégat vous appelle ! Venez donc balbutier un mot, un seul mot avec lui pour l’infortuné maître qui vous combla de ses dons et que vous avez perdu ! Mes regards se portaient alors sur les rangs à qui j’adressais ces paroles.

  1. Cormenin n’a point donné place à Chateaubriand dans son Livre des Orateurs, et il a eu raison, puisque aussi bien tous les discours de l’auteur du Génie du Christianisme sont des discours écrits. Il n’en reste pas moins que plusieurs de ces discours sont admirables ; en particulier, celui du 7 août 1830, à la Chambre des pairs, ou encore celui sur la guerre d’Espagne, prononcé par Chateaubriand à la Chambre des députés le 25 février 1823.