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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Il y a des peureux qui auraient bien voulu ne pas jurer, mais qui se voyaient égorgés, eux, leurs grands-parents, leurs petits-enfants, et tous les propriétaires, s’ils n’avaient trembloté leur serment : ceci est un effet physique que je n’ai pas encore éprouvé ; j’attendrai l’infirmité et, si elle m’arrive, j’aviserai.

« Il y a des grands seigneurs de l’Empire unis à leurs pensions par des liens sacrés et indissolubles, quelle que soit la main dont elles tombent : une pension est à leurs yeux un sacrement ; elle imprime un caractère comme la prêtrise et le mariage ; toute tête pensionnée ne peut cesser de l’être : les pensions étant demeurées à la charge du Trésor, ils sont restés à la charge du même Trésor ; moi, j’ai l’habitude du divorce avec la fortune ; trop vieux pour elle, je l’abandonne de peur qu’elle ne me quitte.

« Il y a de hauts barons du trône et de l’autel qui n’ont point trahi les ordonnances ; non ! mais l’insuffisance des moyens employés pour mettre à exécution ces ordonnances a échauffé leur bile ; indignés qu’on ait failli au despotisme, ils ont été chercher une autre antichambre : il m’est impossible de partager leur indignation et leur demeure.

« Il y a des gens de conscience qui ne sont parjures que pour être parjures, qui, cédant à la force, n’en sont pas moins pour le droit ; ils pleurent sur ce pauvre Charles X, qu’ils ont d’abord entraîné à sa perte par leurs conseils, et ensuite mis à mort par leur serment ; mais si jamais lui ou sa race ressuscite, ils seront des foudres de légitimité :