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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

nous aurions parlé d’une grande gloire et de l’avenir de la France, deux choses, monsieur le comte, qui vous touchent de près.

« Chateaubriand. »

Les Bourbons m’ont-ils jamais écrit des lettres pareilles à celles que je viens de produire ? Se sont-ils jamais doutés que je m’élevais au-dessus de tel faiseur de vers ou de tel politique de feuilleton ?

Lorsque, petit garçon, j’errais, compagnon des pâtres, sur les bruyères de Combourg, aurais-je pu croire qu’un temps viendrait où je marcherais entre les deux plus hautes puissances de la terre, puissances abattues, donnant le bras d’un côté à la famille de Saint-Louis, de l’autre à celle de Napoléon ; grandeurs ennemies qui s’appuient également, dans l’infortune qui les rapproche, sur l’homme faible et fidèle, sur l’homme dédaigné de la légitimité ?

Madame Récamier alla s’établir à Wolfsberg, château habité par M. Parquin[1], dans le voisinage d’Arenenberg, séjour de madame la duchesse de Saint-Leu ; je restai deux jours à Constance. Je vis tout ce qu’on

  1. Charles Parquin, ancien officier des armées impériales. Il connaissait le prince Louis depuis 1822 ; il avait acheté, en 1824, le château de Wolfsberg, sis auprès d’Arenenberg, et avait épousé une demoiselle d’honneur de la reine Hortense, Mlle  Cochelet, fille d’un membre de l’Assemblée constituante et élevée dans le pensionnat de Mme  Campan avec Mlle  de Beauharnais. Le chef d’escadron Parquin prit la part la plus active à l’échauffourée de Strasbourg (30 octobre 1836). Il fut arrêté aux côtés du prince. Traduit devant la cour d’assises du Bas-Rhin, le 6 janvier 1837, il fut acquitté, après une émouvante plaidoirie de son frère, Me  Parquin, qui était, à cette époque, l’un des plus brillants avocats du barreau de Paris.