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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

poids de la France ! Qu’elles rentrent comme nous dans leurs anciennes limites ; puis nous volerons au secours de leur indépendance, si cette indépendance est menacée. Elles ne se firent aucun scrupule de se joindre à la Russie, pour nous démembrer et pour s’incorporer le fruit de nos victoires ; qu’elles souffrent donc aujourd’hui que nous resserrions les liens formés entre nous et cette même Russie pour reprendre des limites convenables et rétablir la véritable balance de l’Europe !

« Au surplus, si l’empereur Nicolas voulait et pouvait aller signer la paix à Constantinople, la destruction de l’empire ottoman serait-elle la conséquence rigoureuse de ce fait ? La paix a été signée les armes à la main à Vienne, à Berlin, à Paris ; presque toutes les capitales de l’Europe dans ces derniers temps ont été prises : l’Autriche, la Bavière, la Prusse, l’Espagne ont-elles péri ? Deux fois les Cosaques et les Pandours sont venus camper dans la cour du Louvre ; le royaume de Henri IV a été occupé militairement pendant trois années, et nous serions tout émus de voir les Cosaques au sérail, et nous aurions pour l’honneur de la barbarie cette susceptibilité que nous n’avons pas eue pour l’honneur de la civilisation et pour notre propre patrie ! Que l’orgueil de la Porte soit humilié, et peut-être alors l’obligera-t-on à reconnaître quelques-uns de ces droits de l’humanité qu’elle outrage.

« On voit maintenant où je vais, et la conséquence que je m’apprête à tirer de tout ce qui précède. Voici cette conséquence :