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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

M. Hanka, bibliothécaire du musée de Prague, dans les archives de l’église de Kœniginhof, sont célèbres. Un jeune homme que je me plais à citer, fils d’un savant illustre, M. Ampère[1], a fait connaître l’esprit de ces chants. Célakowsky a répandu des chansons populaires dans l’idiome slave.

Les Polonais trouvent le dialecte bohême efféminé ; c’est la querelle du dorien et de l’ionique. Le Bas-Breton de Vannes traite de barbare le Bas-Breton de Tréguier. Le slave ainsi que le magyar se prêtent à toutes les traductions : ma pauvre Atala a été accoutrée d’une robe de point de Hongrie ; elle porte aussi un doliman arménien et un voile arabe.

Une autre littérature a fleuri en Bohême, la littérature moderne latine. Le prince de cette littérature, Bohuslas Hassenstein, baron de Lobkowitz, né en 1462, s’embarqua en 1490 à Venise, visita la Grèce, la Syrie, l’Arabie et l’Égypte. Lobkowitz m’a devancé de trois cent vingt-six ans[2] à ces lieux célèbres, et, comme lord Byron, il a chanté son pèlerinage. Avec quelle différence d’esprit, de cœur, de pensées, de mœurs, nous avons, à plus de trois siècles d’intervalle, médité sur les mêmes ruines et sous le même soleil, Lobkowitz, Bohême ; lord Byron, Anglais ; et moi, enfant de France !

À l’époque du voyage de Lobkowitz, d’admirables monuments, depuis renversés, étaient debout. Ce devait

  1. Jean-Jacques Ampère, Poésies nationales de la Bohême. Publié d’abord dans le Globe en 1828, ce morceau a été recueilli par l’auteur, en 1850, au tome ier du recueil intitulé : Littérature, Voyages et Poésies.
  2. De trois cent seize ans, et non de trois cent vingt-six. Chateaubriand se trompait quelquefois dans ses additions.