Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
156
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Je fus frappé de la réserve de ce billet : quelques expressions vagues d’attachement couvraient mal la sécheresse du fond. J’en fis la remarque respectueuse, et plaidai de nouveau la cause de l’infortunée prisonnière. Madame me répondit que le roi en déciderait. Elle me promit de s’intéresser à sa sœur ; mais il n’y avait rien de cordial ni dans la voix ni dans le ton de la dauphine ; on y sentait plutôt une irritation contenue. La partie me sembla perdue quant à la personne de ma cliente. Je me rabattis sur Henri V. Je crus devoir à la princesse la sincérité dont j’avais toujours usé à mes risques et périls pour éclairer les Bourbons ; je lui parlai sans détour et sans flatterie de l’éducation de M. le duc de Bordeaux.

« Je sais que Madame a lu avec bienveillance une brochure à la fin de laquelle j’exprimais quelques idées relatives à l’éducation de Henri V. Je crains que les entours de l’enfant ne nuisent à sa cause : MM. de Damas, de Blacas et Latil ne sont pas populaires. »

Madame en convint ; elle abandonna même tout à fait M. de Damas, en disant deux ou trois mots à l’honneur de son courage, de sa probité et de sa religion.

« Au mois de septembre, Henri V sera majeur : Madame ne pense-t-elle pas qu’il serait utile de former auprès de lui un conseil dans lequel on ferait entrer des hommes que la France regarde avec moins de prévention ?

« — Monsieur de Chateaubriand, en multipliant les conseillers, on multiplie les avis : et puis, qui proposeriez-vous au choix du roi ?