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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

nement de Louis-Philippe : je n’avais pas mérité cette bienveillance ; j’ai montré ce qu’elle avait d’incompatible avec ma nature, en réclamant ce qui pouvait me revenir des adversités de mon vieux roi. Hélas ! ces adversités, je ne les avais pas causées et j’avais essayé de les prévenir. Je ne remémore point ces circonstances pour me donner une importance et me créer un mérite que je n’ai pas ; je n’ai fait que mon devoir ; je m’explique seulement, afin d’excuser l’indépendance de mon langage. Madame pardonnera à la franchise d’un homme qui accepterait avec joie un échafaud pour lui rendre un trône.

« Quand j’ai paru devant Votre Majesté à Carlsbad, je puis dire que je n’avais pas le bonheur d’en être connu. À peine m’avait-elle fait l’honneur de m’adresser quelques mots dans ma vie. Elle a pu voir, dans les conversations de la solitude, que je n’étais pas l’homme qu’on lui avait peut-être dépeint ; que l’indépendance de mon esprit n’ôtait rien à la modération de mon caractère, et surtout ne brisait pas les chaînes de mon admiration et de mon respect pour l’illustre fille de mes rois.

« Je supplie encore Votre Majesté de considérer que l’ordre des vérités développées dans cette lettre, ou plutôt dans ce mémoire, est ce qui fait ma force, si j’en ai une ; c’est par là que je touche à des hommes de divers partis et que je les ramène à la cause royaliste. Si j’avais répudié les opinions du siècle, je n’aurais eu aucune prise sur mon temps. Je cherche à rallier auprès du trône antique ces idées modernes qui, d’adverses qu’elles sont, deviennent amies en passant à travers ma fidélité. Les opinions libé-