Le comte de Neipperg, mari de la veuve de Napoléon ? — Mort.
La comtesse Tolstoï ? — Morte.
Son grand et jeune fils ? — Mort,
Mon hôte du palais Lorenzi ? — Mort[1].
Si tant d’hommes couchés avec moi sur le registre du congrès se sont fait inscrire à l’obituaire ; si des peuples et des dynasties royales ont péri ; si la Pologne a succombé ; si l’Espagne est de nouveau anéantie ; si je suis allé à Prague m’enquérir des restes fugitifs de la grande race dont j’étais le représentant à Vérone, qu’est-ce donc que les choses de terre ? Personne ne se souvient des discours que nous tenions autour de la table du prince de Metternich ; mais, ô puissance du génie ! aucun voyageur n’entendra jamais chanter l’alouette dans les champs de Vérone sans se rappeler Shakespeare. Chacun de nous, en fouillant à diverses profondeurs dans sa mémoire, retrouve une autre couche de morts, d’autres sentiments éteints, d’autres chimères qu’inutilement il
- ↑ Dans son Congrès de Vérone, publié en 1838, Chateaubriand complète ainsi cet Appel des personnages de Vérone et de la guerre d’Espagne ? « Combien manque-t-il encore de personnages parmi ceux que l’on a comptés pendant la guerre d’Espagne. Ferdinand VII n’est plus, Mina n’est plus, M. de Rayneval n’est plus, sans parler du premier de tous à mes yeux, de Carrel, échappé des champs de la Catalogne et tombé à Vincennes. Carrel, je vous félicite d’avoir, d’un seul pas, achevé le voyage dont le trajet prolongé devient si fatigant et si désert. J’envie ceux qui sont partis avant moi : comme les soldats de César, à Brindes, du haut des rochers du rivage, je jette ma vue sur la grande mer ; je regarde vers l’Épire, dans l’attente de voir revenir les vaisseaux qui ont passé les premières légions pour m’enlever à mon tour. » (Congrès de Vérone, deuxième partie, chapitre XXVII).