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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/322

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

L’épitaphe française d’Orbesan se termine par un vers qu’un grand poète voudrait avoir fait :

Car il n’est si beau jour qui n’amène sa nuit.

Charles-Gui Patin[1] est enterré à la cathédrale : son drôle de père ne le put sauver, lui qui avait traité un gentilhomme âgé de sept ans, lequel fut saigné treize fois et fut guéri dans quinze jours, comme par miracle.

Les anciens excellaient dans l’inscription funèbre : « Ici repose Épictète, disait son cippe, esclave, contrefait, pauvre comme Irus, et pourtant le favori des dieux. »

Camoëns, parmi les modernes, a composé la plus magnifique des épitaphes, celle de Jean III de Portugal : « Qui gît dans ce grand sépulcre ? quel est celui que désignent les illustres armoiries de ce massif écusson ? Rien ! car c’est à cela qu’arrive toute chose… Que la terre lui soit aussi légère à cette heure qu’il fut autrefois pesant au More. »

Mon cicerone padouan était un bavard, fort différent de mon Antonio de Venise ; il me parlait à tout

  1. Charles Patin, né à Paris le 23 février 1633, mort à Padoue le 10 octobre 1693, fils du célèbre médecin et écrivain français Gui Patin, exerçait lui-même avec distinction la médecine à Paris lorsqu’il dut s’expatrier en 1668 sous le coup d’une accusation vague et grave. Il fut soupçonné d’avoir introduit en France des libelles contraires au roi ou aux personnes royales. Il s’établit à Padoue, et y occupa successivement les chaires de médecine et de chirurgie. On doit à Charles Patin plusieurs ouvrages de numismatique et d’archéologie, notamment une Introduction à l’histoire par la connaissance des médailles, souvent réimprimée sous le titre d’Histoire des médailles.