Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/324

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
308
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

disait que Silvio était un scélérat, il s’était permis d’écrire que Brollo l’avait tiré, lui Pellico, par une jambe, lorsque lui Pellico était monté sur une table. La fille s’écriait : « Pellico est un calomniateur ; c’est de plus un ingrat. Après les services que je lui ai rendus, il cherche à me déshonorer. » Elle menaçait de faire saisir l’ouvrage et d’attaquer l’auteur devant les tribunaux ; elle avait commencé une réfutation du livre : Zanze est non-seulement une artiste, mais une femme de lettres.

Hyacinthe la pria de me donner la réfutation non achevée ; elle hésita, puis elle lui remit le manuscrit[1] : elle était pâle et fatiguée de son travail. La vieille geôlière prétendait toujours vendre la broderie de sa fille et l’ouvrage en mosaïque. Si jamais je retourne à Venise, je m’acquitterai mieux envers madame Brollo que je ne l’ai fait envers Abou Gosch, chef des Arabes des montagnes de Jérusalem ; je lui avais promis, à celui-ci, une couffe de riz de Damiette, et je ne la lui ai jamais envoyée.

Voici le commentaire de Zanze :

« La Veneziana maravigliandosi che contro di essa vi sieno persona che abbia avutto ardire di scrivere pezze di un romanzo formatto ed empitto di impie falsità, si lagna fortemente contro l’auttore mentre potteva servirsi di altra persona onde dar sfogo al suo talento, ma non prendersi spasso di una gio-

  1. Chateaubriand écrit de Padoue, le 20 septembre, à Mme  Récamier : « … J’étais assez content de ma course italienne. À Venise, imaginez-vous que j’avais retrouvé la Zanze ! et que j’étais à la découverte du plus beau roman du monde ! L’histoire est venue l’étrangler ; enfin, vous en verrez le premier chapitre. »