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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/380

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

vait à léguer à ses frères que la pauvreté et la paix : une sainte femme le mit au tombeau.

J’ai reçu de mon patron la pauvreté, l’amour des petits et des humbles, la compassion pour les animaux ; mais mon bâton stérile ne se changera point en chêne vert pour les protéger.

Je devais tenir à bonheur d’avoir foulé le sol de France le jour de ma fête ; mais ai-je une patrie ? Dans cette patrie, ai-je jamais goûté un moment de repos ? Le 6 octobre au matin je rentrai dans mon Infirmerie. Le coup de vent de la Saint-François régnait encore. Mes arbres, refuges naissants des misères recueillies par ma femme, ployaient sous la colère de mon patron. Le soir, à travers les ormes branchus de mon boulevard, j’aperçus les réverbères agités, dont la lumière demi-éteinte vacillait comme la petite lampe de ma vie[1].


  1. La page que l’on vient de lire est du 6 octobre 1833. Celles qui vont suivre sont de 1837. — Au mois de septembre 1836, Chateaubriand avait écrit, au château de Maintenon, un chapitre destiné à ses Mémoires et qui pourtant n’y a pas pris place. On le trouvera à la fin du volume. Voir l’Appendice no III : Fragments inédits des Mémoires d’Outre-Tombe.